Vin rosé

Raison, hérésies et raisins

Les voyages forment la jeunesse, paraît-il. En matière d’œnologie, c’est un euphémisme ! Il y a quelques années, lors d’un voyage outre-Atlantique, une connaissance m’a proposé de goûter « son » vin. J’ignorais que ce grand citadin eût produit du vin. L’explication n’allait pas tarder quand il me sortit une bouteille du réfrigérateur, issue d’un kit à base de moût déshydraté. Il était évidemment difficile d’émettre un avis éclairé sur le breuvage en question. J’arguais que la température ne permettait sans doute pas à tous les arômes de s’exprimer. Qu’à cela ne tienne, mon hôte saisit la bouteille et la posa sur le radiateur ! Chambrer un vin n’avait jamais été aussi singulier.

De leur côté, les Argentins ne dédaignent pas ajouter de l’eau gazeuse dans leur vin, principalement en été. Cette pratique faisait hurler l’un de mes compatriotes installé dans la province de Buenos Aires. Et pourtant, aussi incongru que puissent paraître ces pratiques exotiques, elles pointent le bout de leur nez sous nos latitudes, rien que par la présence de glaçons dans nos rosés d’été.

Il convient alors de tenter de tracer une limite entre les pratiques acceptables et l’hérésie la plus aventureuse. Dans notre pays qui se targue d’être dépositaire d’un savoir-faire ancestral lié au vin, que peut-on accepter ? Doit-on clouer au pilori le dissident qui aurait l’outrecuidance d’ajouter de l’eau gazeuse ou des glaçons dans son vin ? A l’inverse, des pratiques pourtant répandues se justifient-elles et ne risquent-elles pas de maintenir le plaisir du vin dans les arcanes d’une inaccessible science ?

Codes et pratiques

Ainsi, le carafage du vin apparaît comme une pratique réservée aux initiés. Pourtant, dans la majorité des cas, il se révèle inutile et risque de déchoir l’officiant de son trône de savant à celui de balourd.

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En ce qui concerne les glaçons, il faut être conscient que cela va « mouiller » le vin, c’est-à-dire diluer les arômes. Lorsque le vin n’aura que pour but de se désaltérer, les glaçons s’avéreront acceptables. Mais nous sommes là très loin des pratiques d’un œnophile.

Il en est de même pour tous les adjuvants qu’on pourra retrouver dans le vin… De l’eau plate ou gazeuse, au sirop ou même à la liqueur. Le vin a-t-il réellement besoin d’un adjuvant pour être apprécié ? Dans ce cadre, un kir ou un Pousse-Rapière n’est-il pas aussi choquant qu’un glaçon ? Ces « cocktails » sont souvent nés de la volonté de corriger un défaut sur un vin, tel que son excès d’acidité. Et la récente percée du « Spritz », venant agrémenter le Prosecco, sous une avalanche de glaçon, avec une rasade d’eau gazeuse et une tranche d’orange est révélatrice de cette constatation. Ce sont les Autrichiens qui, trouvant les vins italiens trop forts, ont inventé cette mixture pour les rendre à leur goût. Qui viendrait aujourd’hui hurler à l’hérésie devant un Spritz, qui concentre pourtant tous les affronts faits au vin ?

Cette parenthèse estivale et apéritive nous amène directement à une autre question : celle de la bouteille au congélateur. Nous avons précisé dans un article précédent que le vin était très sensible aux brusques changements de température. Cela dit, un vin blanc ou rosé qu’on est amené à déguster dans l’instant supportera cet affront.

Au final, que fait-on (et que ne fait-on pas) ?

On constate une tendance générale de décomplexion et de désinhibition dans le monde du vin. Certains codes sont en perte de vitesse et si le plaisir, voire la jouissance, prennent le dessus, il ne faut pourtant pas tout oser. La frontière entre bonnes et mauvaises pratiques ne s’avère donc pas une question de codes mais d’appréciation et cela tient avant tout au vin que vous servez.

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Sur un vin rouge de garde, de nombreux paramètres s’avèrent importants pour tirer la pleine quintessence de la dégustation : la température, le carafage éventuel, le verre en lui-même, et avant tout : le moment. En revanche, les rosés et certains blancs se prêtent à des plaisirs plus proches de nos modes de vie quotidiens et de fait, supportent certaines pratiques.

Les us et coutumes évoluent avec nos modes de vie et le profil des vins que nous dégustons. Lors de votre passage au caveau, n’hésitez pas à nous consulter, nous interroger et nous solliciter. Nous vous attendons avec joie.

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