Entre les caves, un chemin conduit le visiteur à la vinaigrerie. Ce bâtiment est le seul à ne pas être connecté aux autres par un souterrain. La bactérie acétique si précieuse pour l’élaboration du vinaigre de vin cuit serait une catastrophe si elle se développait en cave. Elle reste l’ennemi numéro 1 du vin et la meilleure amie de notre nouvelle spécialité.

Aussi au Nord de l’ensemble architectural de Château Virant, la vinaigrerie apparaît à l’image d’une chapelle provençale. Ce bâtiment avec sa forme évocatrice, a été imaginé pour mettre en avant l’attente, l’espérance, la foi quasi religieuse que nécessite l’élaboration de ce si précieux liquide.

A l’origine de cet élixir balsamique : le vin cuit, le vin de Noël en Provence.

Le soir de Noël, il accompagne les 13 desserts. Il trône sur la table. Il accompagne le « cacho fio » (la bûche d’arbre fruitier) jusqu’à la cheminée. Le plus ancien de la famille et le plus jeune font trois fois le tour de la table, comme un rappel à la Trinité. Puis le plus vieux lance le verre de vin cuit dans l’âtre de la cheminée. Et comme pour conjurer le sort, l’aïeul dit en provençal : « Que Dieu me fasse la grâce de voir l’année qui vient et si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins. » En provençal : « Alègre, alègre, mi beus enfant, Dièu nous alègre, emé calindo, tout bèn vèn. Cacho-fio metèn, cacho-fio pausèn. Dièu nous fague la gràci de vèire l’an que vèn : e se noun sian pas mai qu’au mens siguen pas mens ».

En 1990, la Famille Cheylan et quelques producteurs ont décidé de faire revivre cette belle tradition provençale et ils ont recommencé la production du vin cuit.

Ainsi pour élaborer ce vin, un immense chaudron en cuivre trône dans la cave durant les vendanges. Il va accueillir le jus de raisin (le moût) qui sera cuit très lentement, très doucement. Le jus va se réduire, se concentrer. Le maitre de chai veille, surveille. Quand son goût et sa couleur dorée semblent parfaits alors le jus est mis en cuve.

Sa fermentation lente et capricieuse permet au jus de devenir vin cuit. Il sera ensuite élevé en fût de chêne.

La saveur très spécifique du vin cuit donne l’idée à la Famille Cheylan d’oublier des tonneaux de vin cuit au soleil de Provence afin de leur faire subir l’épreuve du temps.

Chaque année depuis 25 ans, quelques tonneaux de vin cuit sont isolés et exposés aux éléments. Le vin va évoluer dans les tonneaux, profiter de la micro-oxygénation naturelle du fût de chêne et se transformer. L’alchimie s’opère lentement, très lentement.

Dans la vinaigrerie, tout est précieusement répertorié, l’évolution des vins, le goût, la couleur, la concentration, la piqûre acétique…

La patience est le maître mot et le résultat est une récompense. Les Chefs en sont friands.

D’ailleurs, il arrive que pendant plusieurs mois, il n’y ait pas de vinaigre à offrir. C’est normal, il faut attendre et laisser faire la nature.

Élaborer du vinaigre est un vrai métier. A l’image des vinaigres de Modène, c’est un art. C’est ce que la Famille Cheylan a voulu perpétuer : l’art d’élaborer un produit d’exception avec son lot d’incertitudes et d’étonnements. C’est un véritable défi que d’acquérir ce savoir-faire. Le maitre vinaigrier Laure Faure participe à cette aventure. L’objectif : proposer un produit différent, une autre quintessence de la vigne.